Concept Paper

Conférence  Régionale
Sur l’élimination des Mutilations Génitales Féminines
 
Djibouti, janvier 2005
 
 
 
1. Introduction
 
Les mutilations génitales féminines (MGF), dans leur grande variété de formes, sont largement pratiquées dans le continent africain puisqu’elles touchent environ 130 millions de Femmes et d’enfants dans 28 pays. Il faut noter que les MGF sont appelées également « circoncision féminine » par ceux qui l’assimilent – à tort ou à dessein – à la circoncision pratiquée sur les garçons qui, elle, n’entraîne aucune conséquence dommageable
 
En République de Djibouti, les mutilations génitales féminines à savoir, l’infibulation et l’excision, sont encore très largement pratiquées (98% de la population féminine entre 15 et 45 ans). Au-delà même de la violation physique et morale que représente un tel acte, elles constituent un sujet encore tabou dans la société locale, en dépit des dégâts irrémédiables qu’elles causent sur la santé et malgré le fait qu’elles portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne.
 
La politique du Gouvernement a jusqu’ici principalement été mené par le Ministère de la Santé à travers le projet « Santé de la Reproduction » qui s’est articulé autour de nombreuses actions à différents niveaux, notamment sur le plan communautaire.
 
Cet effort sur le terrain a été entériné par l’adoption de l’article 333 du Code pénal (1995) stipulant que :
« Les violences ayant entraîné une mutilation génitale sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 1.000.000 F d’amende ».
 
Tant le Président de la République de Djibouti, S.E. M. Isamil Omar Guelleh, que les hauts responsables du Gouvernement dont les secteurs d’administration sont concernés par la pratique des MGF et par leurs conséquences néfastes, n’ont pas hésité à les condamner, ne laissant aucune ambiguïté sur l’ampleur du consensus gouvernemental sur le sujet.
 
Le 18 décembre 2003 le gouvernement de Djibouti a signé le Protocole de Maputo, Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les droits de la femme en Afrique qui, en son article 5, stipule que les MGF doivent être interdites et condamnées.
 
Malgré cette volonté politique clairement affichée et le consensus existant en faveur de l’abandon de cette pratique, de nombreux obstacles continuent à faire barrage à sa pleine mise en œuvre. Le principal se trouvant être l'absence d’une position officielle et univoque des autorités religieuses djiboutiennes concernant les MGF.
 
Il s'avère en fait que la méconnaissance de la religion musulmane, ainsi qu’une mauvaise interprétation des hadiths (textes religieux) faisant référence à l’excision, ont constitué et continuent de constituer un alibi pour le maintien de cette pratique.
 
S'ajoutent à cela les très forts liens communautaires transfrontaliers de la société djiboutienne, qui rendent d'autant plus ardue la mise en œuvre d’une politique nationale qui ne soit pas incluse dans une action au niveau sub-régional.
 
Malgré les efforts et les instruments légaux dont le Gouvernement s'est doté, leur mise en oeuvre nécessite encore une action ciblée traduisant efficacement la volonté politique de lutte contre les MGF. Une action qui puisse relayer le consensus existant tant au niveau strictement national au sein même de la structure djiboutienne, que plus largement auprès des communautés et pays frontaliers.
 
Le  Protocole de Maputo, adopté par les chefs d'État de plus de 53 pays de l’Union Africaine et qui requière la ratification de 15 pays pour son entrée en vigueur, représente l'instrument prévu à cet effet.
 
A cette date, seulement 4 pays ont franchi le pas de la ratification, aucun d’entre eux ne connaissant d’ailleurs la pratique des MGF sur son territoire. En ratifiant, Djibouti serait de fait le premier pays à s’engager à l’application des principes du Protocole de Maputo dans un contexte de tradition dominante des MGF. Cela rendra d’autant plus marquante une ratification de ce pays, en particulier en vue de la Conférence qui se propose  de mettre en évidence les dispositions du Protocole sur les MGF.
 
 
2. La Conférence de Djibouti sur les MGF
 
Le Gouvernement de Djibouti et l’association internationale No Peace Without Justice, dans le cadre de la campagne internationale « Stop MGF », envisagent l’organisation d’une Conférence sur les Mutilations Génitales Féminines qui puisse catalyser la volonté et le consensus du gouvernement et des autorités religieuses en faveur de l’abandon des MGF. Cette démarche a pour but de développer un environnement politique et social favorable à la mise en œuvre des instruments législatifs djiboutiens ancrés dans le respect des principes établis dans le Protocole de Maputo, et, par-là même, promouvoir une attitude similaire au niveau sub-régional.
 
La Conférence, qui pourrait se tenir au courant du mois de janvier 2005 au Palais du Peuple, aura lieu sous le haut patronage de la Première Dame de Djibouti, Mme Kadra Mahamoud Haid, Présidente de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes. Elle sera organisée en étroite collaboration avec l’ensemble des Ministères les plus directement impliqués, à savoir  le Ministère délégué chargé de la Promotion de la Femme, du Bien Être Familial et des Affaires Sociales et le Ministère délégué chargé des Biens Wakfs et des Affaires Musulmanes. La Conférence verra la participation des plus hautes autorités religieuses du pays, ainsi que des plus hautes personnalités gouvernementales, tant djiboutiennes que des pays frontaliers.
 
La Conférence sera organisée grâce au soutien des organisations internationales officiellement engagées dans la lutte contre les MGF, comme l’OMS, l’UNICEF ou l’UNFPA, ainsi que des agences de coopération des différents pays donateurs représentés à Djibouti, impliquées depuis plus ou moins longue date dans la lutte contre les MGF.
 
Lors de la Conférence, le Gouvernement de Djibouti consignera les instruments de ratification au représentant de l’Union Africaine.
 
La Conférence sera organisée sous la forme d'une première session réservée au débat entre les autorités religieuses musulmanes djiboutiennes et internationales, afin d’approfondir et de finaliser l’adoption de la position déjà majoritaire au sein de la communauté musulmane internationale, qui n’a pas hésité dans de nombreux pays à désavouer directement et officiellement tout fondement coranique de la pratique des MGF. La présence des responsables de l'Université de Al-Ahzar sera de ce point de vue particulièrement significative.
 
Une seconde session sera ensuite axée sur l’adoption et la mise en œuvre du Protocole de Maputo ainsi que sur la mise à jour de la législation djiboutienne existante, dans le souci d’en faire un instrument plus adapté.
 
Enfin, les représentants des hiérarchies religieuses d’une part, et les représentants du monde politique d'autre part, tant nationaux que sub-régionaux, feront connaître leurs conclusions à la session de clôture, qui sera aussi l'occasion pour le Gouvernement Djiboutien de remettre les instruments de ratification du Protocole de Maputo au représentant de l’Union Africaine.
 
 
 
2.1 Les buts objectifs généraux de la Conférence
 
La Conférence entend créer un environnement dans la société djiboutienne qui permette de promouvoir auprès du public le consensus anti-MGF existant au plus haut niveau du Gouvernement et des autorités religieuses.
 
L’objectif est de renforcer sur le terrain la position de tous ceux qui, à un niveau individuel, sont appelés à faire le choix d’abandonner la pratique des MGF, et de faciliter la mission de tous ceux qui ont vocation à représenter et à mettre en œuvre la position officielle adoptée par leur hiérarchie, que ce soit l'État ou l’autorité religieuse du pays.
 
La visibilité donnée à la position officielle qui résultera de la Conférence, doit en outre renforcer la position de toute organisation engagée dans des campagnes contre la pratique des MGF, en réduisant considérablement la pression sociale qui règne encore en faveur de cette pratique, pression qui tend à marginaliser ceux qui entendent rompre avec cette tradition ancestrale.
 
De fait, c’est bien en intégrant solennellement la position des autorités religieuses avec celle du Gouvernement sur un refus commun des MGF que cette pression peut être efficacement combattue.
 
 
 
2.2 Objectifs spécifiques nationaux de la Conférence:
 
Au niveau national, la Conférence entend accueillir la plus grande participation de représentants religieux, venant tant de Djibouti-Ville que de l’arrière pays, ainsi que des cadres de l’administration publique appelés à faire valoir la politique du gouvernement, sans oublier les ONG travaillant dans le secteur, à même de relayer de la façon la plus efficace la position communément  adoptée contre les MGF sur l’ensemble du territoire.
 
Par rapport au monde religieux, il s’agit de :
 
a) présenter un inventaire des versets du Coran et des Hadith, préparé par 2 consultants nationaux, démontrant que les positions et orientations majeures des ministères engagés dans la lutte contre les MGF ne sont nullement en contradiction avec les textes fondateurs de la religion musulmane;
 
b) développer les interprétations coraniques de ces versets de manière à ce qu’elles puissent servir à la préparation des prêches du vendredi des Imams dans les mosquées;
 
c) développer un consensus permettant de mettre au point un argumentaire porteur, pour appuyer les efforts du gouvernement pour une meilleure santé reproductive;
 
d) finaliser le texte préliminaire d’une Fatwa pour l’élimination des MGF à Djibouti;
 
e) établir des recommandations qui amèneront les partenaires concernés à développer une stratégie durable de communication s’appuyant sur les vrais valeurs de l’Islam en la matière;
 
f)  démontrer que la lutte contre les MGF représente l’axe central de toute politique gouvernementale de promotion de la femme;
 
g) encourager au niveau de la société civile la promotion d’un débat et les initiatives en faveur de la lutte contre les MGF.
 
 
 
            2.3 Objectifs spécifiques régionaux de la Conférence:
 
Les représentants des pays de la région seront invités à participer à la Conférence à fin de faire connaître l’effort mis en place par le Gouvernement Djiboutien dans la lutte contre les MGF et d'établir une position commune à toute la Région, faisant potentiellement du Protocole de Maputo un instrument capable de représenter une plate-forme intégrée au niveau régional.
 
Pour ce faire, seront invités à la Conférence des représentants des gouvernements, des parlements et de la société civile, ainsi que des autorités religieuses des pays de la région (Érythrée, Éthiopie, Somalie, Soudan, Yémen, ainsi que du Kenya, pays ayant récemment organisé avec No Peace Without Justice une Conférence Internationale sur ce thème ayant menée à l’adoption de la « Déclaration de Nairobi sur l’élimination des MGF); de consultants internationaux  et des représentants des agences des Nations Unies et des pays donateurs et engagés dans la lutte contre les MGF. 
 
           
3. Budget
 
Il est envisagé la participation à la Conférence de plus de 200 personnes, dont environ 150 nationaux et 50 régionaux et internationaux.
Le Gouvernement contribuera en termes de service (lieu de réunion, protocole, sécurité etc.) et le budget prévu est autour de 250.000 euro.
Les engagements de la part de donateurs locaux et internationaux (OMS, UNICEF, UNPFA) obtenus à ce moment s’élèvent à 1/4 du budget total.