Conférence Sous-Régionale de Bamako sur les MGF et la mise en œuvre du Protocole de Maputo

Compte rendu de l’atelier thématique n°3 sur les aspects socioculturels liés à l’excision - Bamako, 22 February 2006

Présidente de séance : Mme Sidibé Kadidia Aoudou Maïga, AMSOPT Mali

 

Rapporteurs de séance :
1. Aliou Bâh, CARE MALI
2. Maïmouna Daniogo, Groupe pivot

 

Modératrice :  Mme Ouro Akanti, Togo

 

La méthodologie de travail convenue au sein de l’équipe est la suivante :

  1. traiter un à un les 5 points inscrits dans les TDR liés aux aspects socioculturels ;
  2. prendre en compte au besoin d’autres points non inscrits mais soulevés par les participants

1erpoint : Analyse et évaluation des forces communautaires, religieuses et individuelles interagissant pour la persistance de la pratique de l’excision.

 

Les différentes explications données par certains participants ont permis d’harmoniser la compréhension du groupe autour de la question. Il s’agit de dégager les points de blocage à la lutte contre l’excision, en d’autres termes identifier les niveaux de résistance majeurs à la lutte contre l’excision.

 

Les points de blocage retenus au bout des échanges sont :

  • le blocage dû à la religion issu de la confusion faite par certains fidèles, à propos de la relation entre la religion et la pratique de l’excision,
  • la stigmatisation de la non excisée issue de la pesanteur sociale,
  • la non implication publique des leaders d’opinion religieux, politiques, administratifs et traditionnels,
  • le conformisme social,
  • le silence coupable des femmes qui pour autant sont les victimes directes de la pratique de l’excision mais aussi contribuent à la perpétuer en tant que exciseuses.
  • le comportement favorable à la pratique de certains agents de la santé,
  • la banalisation de la lutte contre l’excision,
  • le déni de l’existence des conséquences liées à l’excision,
  • le blocage politique lié aux décideurs au niveau périphérique,
  • la perpétuation de la pratique dans le milieu urbain en dépit de l’accès aux sensibilisations,
  • le blocage lié aux aspects socio économiques de l’exciseuses,
  • la peur de la perte du statut social par l’exciseuse,
  • les attitudes mitigées des chefs de famille et de ménage à soutenir la lutte,
  • le flux d’exciseuses et/ou des parents des filles à exciser des milieux où la pratique est interdite vers des milieux où la pratique est acceptée, c’est la mobilité ou la transhumance.
  • L’analphabétisme ;
  • La persistance de certains intellectuels à perpétuer la pratique,
  • l’insuffisance des compétences des acteurs sur le terrain,
  • la non implication des élus et des collectivités,
  • le blocage lié à l’acculturation : la crainte d’être considéré comme un acculturé

 

Point 2 : Evolution du cadre de la pratique de l’excision : pression communautaire ou initiative individuelle ?
Suite aux explications apportées, la compréhension des membres du groupe a été éclairée autour de la question. Ainsi, il s’agit de noter les évolutions constatées dans la pratique de l’excision d’hier àaujourd’hui.

 

Le groupe a retenu plusieurs niveaux de changement dans la pratique d’hier à aujourd’hui :

  • l’inexistence due à la force de la loi des cérémonies rituelles dans certains pays ;
  • la déritualisation de la pratique due à l’évolution sociale dans plusieurs localités. Par exemple la célébration des fêtes publiques, l’éducation des néophytes ou nouvelles excisées par la vieille éducatrice, les périodes de réclusion ;
  • le transfert du rituel à d’autres niveaux sous d’autres formes. Par exemple, en dépit de l’absence manifeste des rituels pendant la pratique, force est de remarquer la forte présence du sens profond de ces rituels même dans l’excision des bébés ;
  • la préparation et la fixation de la date de l’excision ont évolué : moins de concertation et d’implication de toutes les catégories sociales de nos jours ;
  • en plus des exciseuses traditionnelles, on note l’avènement de nouveaux types d’exciseuses qui n’ont pas du tout hérité la fonction ;
  • au niveau des outils utilisés, une adaptation au contexte actuel est constatée : les exciseuses utilisent des lames et des ciseaux entre autres en plus de leur instrument traditionnel qu’est le couteau ;
  • l’âge à l’excision a fortement baissée de nos jours d’où le rajeunissement de l’âge à l’excision ;

En dépit de tout, le groupe a noté que l’excision persiste encore par la présence d’une forte pression communautaire. Les sociologues diront que la pratique «  a survécu à la norme »

 

Points 3 et 4 : - Les démarches des acteurs de la lutte contre l’excision et le niveau de sensibilisation de la population
- L’harmonisation des outils de communication servant la lutte contre l’excision et leur adaptation au contexte actuel
Le groupe suite à la compréhension de ces deux points a optéde les traiter ensemble. Il s’agit de relever les niveaux de difficultés rencontrées par les intervenants dans la mise en œuvre de leurs approches stratégiques à l’étape actuelle de leurs interventions.

 

Les points essentiels assortis des échanges des membres du groupe sont les suivants :

  • des problèmes existent au niveau des approches et des messages véhiculés par les interventions. Par exemple, les intervenants ont souvent du mal à convaincre l’auditoire sur certaines questions telle que l’excision peut rendre stérile la femme… Toutes choses qui pourraient être un obstacle à l’avancée de la lutte contre l’excision ;
  • au niveau du financement des activités de la formation des formateurs, des animateurs et de la tenue des ateliers de sensibilisation populaire, des difficultés liées à l’insuffisance des fonds et de la coordination des actions des partenaires financiers ;
  • des insuffisances ont été notées au niveau de l’évaluation des actions des ONG intervenant sur le terrain. Certaines ONG procèdent difficilement à l’évaluation de leurs actions. Rares sont celles qui démarrent avec une enquête de base pour connaître la situation de départ ou données de référence ;
  • des insuffisances ont été relevées au niveau des compétences du personnel de certaines ONG intervenant qui entraînent l’amalgame dans la mise en œuvre des techniques et stratégies d’intervention ;
  • au niveau de la couverture sur l’étendue nationale, il y a des faiblesses : les intervenants sont fortement concentrés dans la capitale;
  • des insuffisances liées aux financements sporadiques et éphémères des actions de lutte contre l’excision ;
  • des difficultés de coordination des actions des intervenants sur le terrain ont été notées

Point 5 : Les stratégies à mettre en œuvre pour lever les obstacles socioculturels
Le groupe a compris qu’il s’agit de dégager des pistes de réflexion stratégiques concrètes pour affronter les difficultés auxquelles les intervenants sont confrontés sur le plan général mais de façon spécifique sur le plan socioculturel.

 

Les points consensuels retenus sont les suivants :

  • l’introduction des modules de l’excision dans les programmes d’enseignement des scolaires ;
  • l’implication de tous les leviers communautaires dans la lutte sans exclusion ;
  • l’intégration de la lutte contre l’excision dans tous les programmes de développement ;
  • la convocation par les hautes autorités de la république des leaders religieux autour de la question de la lutte contre l’excision ;
  • la formation des leaders communautaires et tous les autres leviers ;
  • la formation des agents administratifs ;
  • la formation des agents de la presse ;
  • le renforcement de la sensibilisation ;
  • le renforcement d’un véritable plaidoyer auprès des décideurs locaux et nationaux ;
  • le renforcement de la collaboration et de la synergie d’actions ;
  • l’évitement de la duplication et de la surcharge dans la réalisation des activités sur le terrain ;
  • la promotion des interventions intégrées en prenant en compte les besoins réels des communautés ;

 

En recommandation, le groupe s’est penché sur les points suivants :

  • promouvoir la formation de qualité ciblée qui vise spécifiquement un changement de comportement ;
  • promouvoir les approches multidimensionnelles ;
  • le soutien indéfectible et coordonné des partenaires financiers pour des actions durables ;
  • vulgariser le protocole de Maputo sur toute l’étendue du territoire ;
  • adopter une loi pour interdire l’excision au Mali.

 

Les rapporteurs du groupe.