Conférence Sous-Régionale de Bamako sur les MGF et la mise en œuvre du Protocole de Maputo

Compte rendu de l’atelier thématique n°1 sur les aspects juridiques et politiques liés à l’excision - Bamako, 22 February 2006

Cet atelier s’est donné comme objectif de réfléchir à la manière dont les champs politiques et juridiques peuvent contribuer à la mise en œuvre du Protocole de Maputo. Pour cela, les expériences en matière de législation contre l’excision des pays invités de la Sous-Régions ont été abordés pour ensuite se pencher sur la situation particulière du Mali. :: Bamako, le 22 février, :: Présidence : Mme Naphy Samb-Ka :: Facilitateur : Mme Soyata Maïga :: Co-présidents : Mme Aina Ouedraogo, M Issa Traoré, Honorable Aïssata Sock Traoré, Honorable Ibrahima Mémounatou :: Rapporteur : M. Mamadou Tidiane Dembele, M. Antoine Hazebroucq ::
Le premier point sur lequel les Termes de référence des travaux en atelier nous a invité à nous pencher concerne justement l’examen des législations adoptées dans les pays de la Sous-Région et les stratégies qui ont été suivies. Il a tout d’abord été rappelé qu’il est définitivement acquis que la pratique de l’excision est néfaste et réclame une législation particulière conforme à l’esprit des textes internationaux et africains visant la défense des droits fondamentaux de la Femme et de l’Enfant.
Le représentant de la Guinée Conakry, M Issa Traoré, a exposé le chemin parcouru par son pays jusqu’à l’adoption de la loi interdisant l’excision. Le code pénal de 1965 réprime la castration mais les dispositions y afférant n’ont pas eu d’application effective.. En 2000, une loi sur la santé de la reproduction est adoptée. A la suite de cette loi, les ONG se sont mobilisées pour faire un plaidoyer pour une loi spécifique traitant des MGF. Les députés ont ensuite proposé une loi qui a enfin été promulguée par le Président.
Au Burkina Faso, la loi adoptée s’est appuyer sur les dispositions de la Constitution du pays et a bénéficié d’un contexte politique favorable. La première étape a été la création du Comité national de lutte contre la pratique de l’excision. Cet organe a effectué un travail de sensibilisation auprès des députés qui ont compris la nécessité d’une loi spécifique interdisant l’excision. Le plaidoyer devant l’assemblée a été renforcé par le discours d’autorités religieuses qui ont démontré que les textes du Coran n’étaient pas en faveur de l’excision. La loi contre les MGF adoptée, le code pénal a fait l’objet d’une relecture.
Au Sénégal, la loi est venue d’un engagement politique. La sensibilisation a permis d’adopter une loi applicable.

Ainsi, il a été constaté que la plupart des pays de la Sous-Région possèdent une loi spécifique contre l’excision.

Malgré ces dispositions législatives, les MGF restent fortement pratiquées du fait de la faible application des lois. Il a été constaté que dans certains pays comme au Burkina que les juges rendaient des décisions timides ce qui a amené une réorientation des formations à l’endroit des praticiens en faveur d’une sensibilisation notamment sur le problème de la récidive.
Les pays ont donc suivi des chemins différents vers une loi contre l’excision mais ils ont tous bénéficié d’un contexte politique favorable, notamment marqué par la sensibilisation des parlementaires. La sensibilisation reste donc une étape essentielle qu’il faut savoir dépasser pour rendre plus efficace la lutte. Aujourd’hui, l’adoption de textes internationaux tels que le Protocole de Maputo nous amène à prendre la mesure de nos engagements d’autant plus que ces textes portant sur les droits fondamentaux de la personne humaine ont été rédigés spécifiquement par des pays africains ne laissant plus de place aux réticences de certains motivées par le fait que les textes internationaux n’étaient pas rédigés par des continentaux.
L’expérience des pays invités nous a amené à conclure sur ce point que la sensibilisation des députés était une clé de la réussite.
Le troisième point de cet atelier portait sur l’intégration d’une loi contre l’excision au système juridique malien. Il a été remarqué que cette loi devait s’inscrire dans une rénovation juridique des droits des victimes qui bien souvent subissent des pressions qui ne leur permettent pas de porter plainte. Il a d’autre part été rappeler l’existence d’une circulaire du Ministre de la Santé qui interdit la pratique de l’excision mais cette circulaire n’est pas appliquée faute d’une diffusion et d’une sensibilisation suffisante auprès des praticiens et faute du manque de soutien législatif. L’application de la loi est un volet important de cette démarche. Les autorités de l’Etat doivent affirmer leur volonté d’assurer un suivi pénal de la loi. Les députés sont dans cette optique des acteurs clés permettant de sensibiliser autorités politiques et religieuses. Il est essentiel que des progrès soient effectués sur la communication entre les différentes autorités communautaires, étatiques et religieuses dans le but de trouver un terrain de rencontre sur lequel bâtir une stratégie fructueuse.
Notre réflexion sur le thème de l’intégration nous a d’autre part amené à insister sur la nécessité d’allier un volet éducatif au volet répressif de la loi.
Le thème des opportunités que créerait pour les acteurs de la lutte contre l’excision l’adoption d’une loi contre l’excision a été notre troisième point de réflexion.
Plusieurs bénéfices ont été soulignés :

  • une loi permettrait aux acteurs d’avoir un instrument légal qui les soutiennent dans leur lutte ;
  • Cette loi réunirait l’ensemble des textes internationaux existant ;
  • Cette loi serait un instrument plus facile à utiliser et à promouvoir que les textes internationaux ;
  • Une loi permettrait une mobilisation plus efficace des acteurs ressources du pays combattant les MGF. Une loi est un cadre favorisant la recherche de partenaires nationaux ou étrangers ;
  • La loi possède un caractère général contraignant. Nul n’est sensé ignorer la loi.
  • La loi est une preuve de la volonté politique et permet à toutes les victimes de prendre la parole avec moins de craintes. Les villages les plus reculés qui n’ont pas bénéficiés d’une sensibilisation seraient en possession d’une arme législative représentant un important soutien.
  • La loi protège ainsi les femmes dans leurs droits légitimes comblant un vide juridique préjudiciable à toutes les victimes de MGF.

 
Le quatrième point nous invité à définir un chronogramme nous menant à l’adoption d’une loi. A cette occasion, l’Honorable M Dianoko, membre du parlement du Mali, nous a assuré de sa volonté, liée à celles des neuf autres députés maliens qui ont participé à cette conférence, de faire au mois d’avril 2006 une proposition de loi devant l’Assemblée des parlementaires. La seconde étape de cette marche vers une loi sera un plaidoyer qui sera fait ce même mois d’avril 2006 par le Programme Nationale de Lutte contre la Pratique de l’Excision avec le soutien des députés présents parmi nous aujourd’hui. L’adoption d’une loi interdisant l’excision a enfin été projetée en octobre 2006 par l’Honorable M Dianogo que nous remercions chaleureusement pour sa participation active et fructueuse.
Pour terminer l’exposé des travaux de cet atelier, j’aborde le thème des mesures d’accompagnement. Les contributions de chacun ont permis de déterminer une série de mesures ayant fait leur preuve dans plusieurs pays de la Sous-Région :

  • la traduction dans toutes les langues régionales de la loi ;
  • L’établissement d’un service de contact téléphonique anonyme pour permettre de cibler les exciseuses.
  • Une sensibilisation poussée des magistrats sur la question des MGF pour que les dossiers ne restent pas sans suite. Pour ce faire l’Etat, à travers son programme national de lutte contre la pratique de l’excision peut organiser des séminaires de formation ;
  • Pour seconder, ce magistrat, un policier et un gendarme peuvent être spécialement missionné pour intervenir sur dénonciation anonyme dans le but d’accélérer l’efficacité des procédures et dans le même temps diffuser la loi. Ainsi, selon le texte de loi, l’intention peut être réprimée ,
  • Un magistrat spécialement désigné pour le traitement des dossier liés à l’excision peut être nommé comme au Burkina Faso ;
  • La mise en place d’un système permettant de mettre en relation les médecins constatant des cas de MGF au cours de leur consultation avec les Programme nationaux de lutte contre l’excision qui pourront ainsi sur la famille ou la communauté concernée.
  • Au cours des procès liés à des actes de MGF, donner la qualité de partie civile au Comité de lutte contre l’excision peut se faire représenter pour renforcer le plaidoyer.
  • La nécessité de continuer à innover pour assurer une visibilité toujours meilleure à nos actions de luttes et renforcer les collaborations avec les partenaires au développement et permettre l’établissement d’un cadre permettant l’évaluation des acquis.